J.-P. Leresche u.a.: Bertil Galland ou le regard des mots

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Titel
Bertil Galland ou le regard des mots.


Autor(en)
Leresche, Jean-Philippe; Olivier, Meuwly
Erschienen
Lausanne 2011: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
239 p.
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François Jequier

Pour ses quatre-vingts ans, Bertil Galland a reçu un magnifique cadeau, dont le secret fut bien gardé, sous la forme d’un ouvrage collectif qui regroupe les témoignages et les récits croisés de ses nombreux amis. L’écrivain, l’essayiste, l’éditeur, le journaliste, le grand reporter, le chroniqueur, l’entrepreneur culturel, le créateur de collection, ce grand passeur d’idées à l’enthousiasme contagieux et à la générosité sans borne, toutes ces facettes de Bertil Galland sont évoquées de manière vivante et originale par ses amis.

Jean-Philippe Leresche, vice-président de la collection Le savoir suisse souligne à quel point Bertil Galland «a toujours été dans l’ici et dans l’ailleurs» avec sa curiosité toujours en éveil, avide de savoirs et de découvertes, qui embrassait tant le monde du grand reporter que celui de la littérature romande et de l’histoire vaudoise. Parmi ses nombreuses réalisations éditoriales, des Cahiers de la Renaissance vaudoise en 1960 à l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, dix ans plus tard, suivies de sa propre maison d’édition, Jean-Philippe Leresche met en exergue la création de la collection Le savoir suisse que Bertil Galland a créé en s’entourant des meilleurs spécialistes dans des domaines variés qu’il réussit à convaincre de la nécessité de la bonne vulgarisation en mettant un peu d’élégance dans certains textes parfois arides. Grâce à cet infatigable lecteur bannissant tout jargon, capable d’aérer les discours les plus opaques, au prix de relectures sans concession et une farouche volonté de décloisonnement, les savoirs produits dans les Hautes écoles de Suisse romande (et d’ailleurs) devinrent accessibles au grand public et connaissant de réels succès éditoriaux.

De ce foisonnement propre aux hommages et autres «mélanges», nous retiendrons la poésie, les voyages, les études et les témoignages.

La poésie qui a joué un rôle déterminant dans l’évolution culturelle de Bertil Galland, comme il le soulignait déjà il y a vingt ans dans son introduction autobiographique au Princes des marges, est abordée par Nicolas Gex qui traite les relations entre Bertil Galland et Gustave Roud au travers de leur correspondance. L’éditeur suivra avec attention l’élaboration de l’oeuvre du poète de Carouge en ne ménageant pas ses efforts pour la faire connaître. Le 16 juin 1957, Bertil Galland organisa une Fête des Lettres à Crêt-Bérard pour célébrer les soixante ans de Gustave Roud et il publia un hommage au poète qui connut un certain succès et qui marque l’entrée de Bertil Galland dans le monde de l’édition où ses capacités de rassembleur et de créateur d’événements feront merveille.

Les poèmes d’Alexandre Voisard et l’ode à la mémoire de Pierre-Alain Tâche, qui rend hommage à celui qui eut «le don d’engendrer des vocations, mais aussi des retours» laissent deviner de grandes complicités et de profondes amitiés.

Les voyages, qui nourrirent la curiosité de Bertil Galland, sont évoqués par Jacques Dewaele, qui décrit avec finesse le climat de la villa Doria, berceau de l’adolescence de Bertil Galland, avant de rappeler leur épopée en Islande en 1949. Paul Hugger se souvient des «randonnées de Pentecôte presque mystiques» trente ans plus tard à la découverte de la Suisse allemande.

Parmi les études, l’aventure de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, survolée par Yves Gerhard, président du comité de rédaction, souligne l’engagement de Bertil Galland, qui y consacra une vingtaine d’années (1968-1987) avec une détermination sans faille tant dans le choix des collaborateurs que dans des relectures qui donnèrent une belle unité à cette oeuvre majeure.

Roger Francillon rend un bel hommage en une dizaine de pages ciselées au «créateur d’un patrimoine romand» en esquissant les grandes étapes de cet animateur de la vie culturelle romande, véritable accoucheur de talents qui formeront «l’écurie Galland» dont les écrits essaimeront bien au-delà de nos frontières: «Plus de cinquante ans se sont écoulés depuis les débuts de Bertil Galland dans l’édition: grâce à sa ténacité et à son dynamisme, nous avons échappé au provincialisme et notre patrimoine littéraire rayonne dans le monde entier».

Denis Bussard et François Vallotton, se basant sur la correspondance du fonds Galland déposé aux Archives littéraires suisses, résument avec brio «L’affaire Carabas ou le divorce avec la Ligue vaudoise» en soulignant avec doigté les relations quasi filiales entre Marcel Regamey, le père de substitution et le fougueux Bertil Galland qui saura se libérer de cette tutelle en démissionnant de la Ligue vaudoise et en quittant les Cahiers de la Renaissance vaudoise auxquels il avait donné une nouvelle identité en les sortant de leur confidentialité. Ces quelques belles pages entrent dans l’intimité et la complexité de cette relation jusqu’à la rupture. Dans le texte consacré à Marcel Regamey dans Princes des marges, Bertil Galland ne reniera pas son admiration et sa filiation.

Les témoignages mettent bien en évidence la richesse de la personnalité de Bertil Galland et surtout l’ampleur et la diversité de ses activités déjà esquissées dans les études mentionnées, mais aussi certains traits de caractère de ceux qui témoignent : Christophe Gallaz, Nils Andersson, Étienne Barilier, Étienne Delessert, Jean-Jacques Langendorf, Jean-Jacques Rapin et j’en passe! L’effet miroir du témoignage prend ici tout son sens.

Dans l’aventure Plans-Fixes, qui débuta en 1977, Bertil Galland joua un double rôle essentiel en poussant à la création de 1’Association Films Plans-Fixes et en devenant l’interlocuteur privilégié des personnalités interviewées. Son charisme, ses relations et ses réseaux contribuèrent grandement au succès de cette initiative, qui occupe depuis plus de trente ans une place reconnue dans le champ culturel romand.

Les superbes photographies de Marcel Imsand et les illustrations d’Étienne Delessert, Jean Lecoultre, André Paul et Christian Pellet complètent notre perception de cet homme qui a tant donné à la culture romande en initiant d’innombrables projets et surtout en les suivant, les soutenant jusqu’à ce qu’ils puissent poursuivre leur route. Jean-Jacques Langendorf a trouvé la formule qui embrasse le personnage: «Il y a un
Bertil qui écoute, un Bertil qui parle, et surtout peut-être un Bertil qui agit, organise et écrit».

Un seul regret : la liste des oeuvres de Bertil Galland aurait eu sa place en annexe de même que celle des Films Plans-Fixes qu’il a dirigés!

Citation:
François Jequier: Compte rendu de: Jean-Philippe LERESCHE et Olivier MEUWLY, Bertil Galland ou le regard des mots, Lausanne: Presses polytechniques et universitaires romandes, 2011. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 120, 2012, p. 436-437.

Redaktion
Veröffentlicht am
06.12.2013
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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